Vœu contre le CER voté au conseil municipal de Paris
Le CAC est membre du bureau du CPA (conseil parisien des associations) et Jean-Baptiste Jobard, notre coordinateur, anime le groupe de travail sur le contrat d’engagement républicain dit « CER » (pour tout savoir sur ce contrat imposé aux associations depuis le 1er jan 2022, voir ICI).
C’est à ce titre que le cabinet de la maire de Paris nous a sollicité pour co-présenter -avec Christine NEDELEC de FNE Paris- le vœu du CPA, relatif à l’application du Contrat d’engagement républicain au Conseil de Paris le mercredi 7 février 2024.
LE VŒU à télécharger
Voici le texte prononcé par le CAC devant madame la Maire à cette occasion avant le vote positif du vœu :
[Partie du texte lue par Christine Nédelec (FNE 75)] : « Merci de nous donner la parole.
C’est une première dans l’histoire récente du CPA, Conseil Parisien des Associations.
Le CPA est une assemblée composée de 100 associations parisiennes qui se réunit depuis décembre 2021 et est animé par un bureau de 10 personnes (dont nous sommes membres tous les deux)
Le CPA produit depuis deux ans, dans le cadre de groupes de travail thématiques, des avis et des propositions qui commencent d’ores et déjà à enrichir le dialogue avec l’exécutif et les services de la Ville.
Il est missionné, par ailleurs, pour veiller à la mise en œuvre de la Charte des engagements réciproques, signée en juillet 2019, document cadre et ambitieux encore trop peu connu des services et des élus, et dont l’application réelle nécessitera sûrement encore de nombreux efforts de pédagogie et d’évolution des pratiques.
Pour vous donner une idée des thématiques qui nous mobilisent voici la liste des groupes de travail :
- l’accompagnement et le soutien aux coopérations inter-associatives
- les subventions vues comme soutien aux initiatives citoyennes associatives
- l’engagement des jeunes et des personnes en situation de handicap
- les ressources humaines et matérielles des associations
- et enfin, un dernier groupe de travail, spécifique a travaillé sur la question du “contrat d’engagement républicain” dans le cadre de cette première saisine et c’est le résultat de ce travail, sous forme de vœux, que nous allons nous présenter maintenant »
[Partie du texte lue par Jean-Baptiste Jobard (CAC Collectif des Associations Citoyennes)] : « Pour commencer, je rappelle simplement les termes de la question formulée dans le cadre de cette saisine :
Quelle articulation, c’est-à-dire quelle compatibilité entre le CER et la charte des engagements réciproques ?
Pour nous, la réponse est simple, sans ambage : il n’y a pas de compatibilité possible entre d’un côté un texte qui n’a de contrat que le nom, le CER “contrat” d’engagement républicain, un texte qui induit une défiance entre les institutions publiques et le monde associatif, une défiance d’ailleurs bien résumée par le titre d’un dossier de presse récent du Mouvement Associatif “associations, présumées coupables”.
Et de l’autre côté, un texte qui lui, porte bien son nom, une charte des engagements réciproques et dont les six mois nécessaires à son élaboration à Paris en 2019 ont, une nouvelle fois, démontré le bien-fondé des espoirs que l’on pouvait placer dans une relation constructive, mature, équilibrée et de confiance entre une Collectivité Publique et le segment non lucratif de la société civile organisée.
Nous aurions besoin de plus de temps que nous n’en avons pour expliquer tout le mal que nous pensons du CER. Disons simplement deux choses.
Premièrement que l’alerte a été donnée très tôt par un monde associatif, pour une fois unanime et dont les craintes étaient partagées par des instances indépendantes lorsque la loi se préparait au parlement.
Tour à tour en effet, la défenseure des droits, la commission nationale consultative des droits de l’homme, le HCVA Haut Commissariat à la Vie Associative notamment ont dénoncé la dérive autoritariste d’un texte “superfétatoire” pour reprendre les mots du HCVA (que nous avons d’ailleurs auditionné avec le CPA dans le cadre de nos travaux).
Oui, superfétatoire, totalement inutile, c’est bien l’une des caractéristiques premières de ce texte instituant le CER car enfin… qui pourrait croire que les associations dont le rôle a été si important dans l’érection de piliers de notre édifice républicain, qui pourrait croire que ces associations ont un problème avec le fait de respecter la loi ? Il suffit de relire l’article 3 de la loi de 1901, tout y est déjà, le monde associatif n’a jamais revendiqué d’être une zone de non-droit mais bien plutôt une zone de construction et d’application du droit.
Deuxièmement, si le texte a été critiqué, en amont, au moment de son élaboration, il l’est plus encore depuis qu’il est entré en application car les craintes se sont factuellement vérifiées et nous pouvons noter que, plus encore qu’une mise au pas du monde associatif, le CER est utilisé, au mépris de l’article 72 de la Constitution, contre des Collectivités Locales, (cf le procès récent intenté par le préfet de la Vienne contre la Municipalité et la communauté urbaine de Poitiers.)
Néanmoins, la loi est là et s’impose à tous, dont acte.
Donc finalement ce que nous venons vous demander est simple : la loi, toute la loi mais rien que la loi.
En examinant le texte, il est frappant de constater que le CER n’impose pas de contrôle supplémentaire à ceux qui existent déjà.
Ne changez rien, continuez comme avant, continuons comme avant.
Et si, vous pensez toutefois qu’un contrôle accru est nécessaire, le CPA parait être l’instance idéale pour en discuter ensemble.
Deux dernières choses pour finir.
Corrigeons ensemble cependant un point des plus problématiques du texte
Je cite le HCVA à nouveau :
“le contrat d’engagement républicain tend à confier à l’administration un pouvoir d’interprétation et de sanction très large” et cela “sans information claire, préalable et obligatoire sur les voies de recours susceptibles d’être exercées par les associations mises en cause”
Il parait assez simple de réintroduire un principe fondamental de l’État de droit et de toute procédure judiciaire : le principe du contradictoire.
Si une association contrevient à ses engagements, plutôt qu’une sanction immédiate et sans préavis qui peut avoir des conséquences graves sur une personne morale à qui il n’est pas donné de se défendre. Permettons au moins aux deux parties d’être entendues et le CPA peut jouer le rôle d’une instance médiatrice dans cette perspective. C’est simple, basique.
Et enfin, faisons d’un mal un bien, et profitons de l’existence du CER pour réaffirmer ce que nous voulons ensemble, c’est-à-dire l’exact inverse : promouvoir et faire vivre les principes d’action rédigées ensemble dans la charte des engagements réciproques.
Cette même charte qui mentionne la fonction d’interpellation du monde associatif, fonction d’interpellation dont je viens donc d’user au nom du CPA en espérant qu’elle soit la première d’une longue série.
Je vous remercie de votre attention. »