Tribune-soutien au ciné La Clef [fév 22]
Tribune en soutien au cinéma La Clef
proposée par Marianne Langlet du Collectif des associations citoyennes
Jean-Marc Borello, le président du Groupe SOS, aime œuvrer dans l’ombre. Très proche d’Emmanuel Macron, il est l’un des piliers du mouvement En marche. Pourtant il n’a pas pris de portefeuille gouvernemental pour poursuivre son action comme il l’entend, en évitant la lumière. Il veut « garder sa liberté d’entreprendre ». Sa grande entreprise est d’œuvrer pour un « capitalisme d’intérêt général », le titre d’un de ses livres. Il y arrive très bien.
L’une des chevilles ouvrières de ce nouveau capitalisme est le modèle de l’entrepreneuriat social dont le Groupe SOS représente la locomotive. Le groupe compte aujourd’hui 21.500 salariés, 550 établissements et 1.021 millions d’euros de chiffres d’affaire. Comment ont-ils fait ? Essentiellement, en engloutissant année après année, des associations en difficulté, en les réorientant (donc souvent en transformant leur objet associatif) sur des appels d’offre plus solides, c’est-à-dire répondant mieux aux attentes de l’État donc bien plus proche du rôle de prestataires de service que de trublions…
Le groupe s’appuie aussi sur un patrimoine immobilier d’importance évalué à 500 millions d’euros qu’il s’est constitué en achetant des bâtiments pour des projets sociaux, donc avec des subventions, mais également en récupérant, en même temps que les associations, leurs bâtiments, terrains… Les plus-values de certaines de ces reventes ont consolidé financièrement le groupe.
Surtout, en plaquant sur les associations, le modèle de l’entreprise, le seul capable de « changer le monde », un autre titre de livre de Jean-Marc Borello puisque pour lui le modèle associatif est dépassé. « Son modèle économique arc-bouté sur le principe non lucratif, apparaît à présent inadapté aux exigences actuelles et de moins en moins dépositaire de l’intérêt général », écrit-il. Le modèle à défendre est celui de l’entrepreneuriat social.
Pour cela, le patron du groupe SOS créé en 2010, le Mouvement des entrepreneurs sociaux (Le Mouves) devenu aujourd’hui le Mouvement impact France. Ce mouvement est devenu au fil des ans un puissant lobbying en faveur de l’investissement à impact social en France qui vise à transformer les actions écologiques, sociales mais aussi culturelles en investissements rentables.
Actions culturelles également puisque depuis quelques années le groupe SOS lorgne de ce côté là aussi. Vous en êtes la preuve ! Il a notamment récupéré le groupe Scintillo, dont le fondateur est Steve Hearn. Ce dernier, qui se présente comme un entrepreneur culturel, a remis en 2014 un rapport au gouvernement sur le développement des entreprises culturelles en France. Son discours est clair : il veut sortir la culture du « tout subvention » pour aller vers des logiques d’entreprises. « En tant qu’entrepreneur, je préfère défendre l’idée que nous devons trouver un modèle économique intelligent qui sache concilier exigence culturelle et efficacité économique ». Pour lui, « Il est important d’écouter aussi les entrepreneurs de la culture, entrepreneurs d’un nouveau type : galvanisant la création, capables d’intégrer des logiques capitalistique et financière qui seules permettent le développement, très sensibles aux préoccupations de la sphère sociale et solidaire, comprenant l’importance de l’intérêt général ». (Article dans La Tribune en octobre 2014). Il appelait alors dans la même tribune à la création du premier fonds de capital-risque dédié à la culture. Aujourd’hui, ces fonds existent, l’un appuyé sur BPI France, le Fonds ICC (industries culturelles et créatives) doté de 225 millions d’euros et le Fonds ArtNova doté de 100 millions d’euros qui veut « produire un impact économique et social mesurable, par et pour la culture ». Nous retrouvons ici la notion d’investissement à impact, cher au groupe SOS.
Depuis sa création en 2010, le Collectif des associations citoyennes lutte contre cette vision entrepreneuriale du social, de l’écologie et de la culture ; nous pensons que des alternatives entre le tout marché ou le tout État existent. Votre occupation depuis deux ans en est la preuve.
La proposition de rachat collectif que vous faites par le montage du fond de dotation Cinéma Revival, soutenu par la Foncière Antidote, qui permettrait de racheter le cinéma par une propriété qui ne soit ni publique, ni privée mais d’usage est une première. Elle transformerait ce lieu en un commun appartenant à ses usagères et usagers.
Les associations savent être le creuset de ces approches inventives et prouvent, s’il le fallait, que les entrepreneurs sociaux n’ont pas le monopole de l’innovation ! Vous avez ouvert un espace de découvertes, de rencontres et de création qui permet d’envisager d’autres manières de faire vivre ce dernier cinéma associatif indépendant de Paris. N’en perdons pas la clef !
Le 2 février 2022
Les liens
- Ciné La Clef Revival en lutte
- Signer la tribune en soutien au ciné la Clef Revival