Catégorie: Lutte contre la financiarisation des associations
Une nouveauté CAC : LE KLAXON
Petit frère de notre « Heure de la Sirène », le « Klaxon » viendra chaque fin de mois avertir sur les avancées de la marchandisation des associations, des investissements à impact social mais aussi sur les contre-feux proposés par les associations.
Premier pas d’un futur Observatoire citoyen de la marchandisation de l’action associative et des investissements à impact social, retrouvez les premiers numéros ci dessous.
N’hésitez pas à nous transmettre vos informations sur le sujet ou à signaler auprès de : marianne@associations-citoyennes.net si vous souhaitez recevoir ce Klaxon !
Le Klaxon !
Marianne, ne vois-tu rien venir ? Cette feuille vous tiendra régulièrement informés de mes observations, rencontres, actualités autour de la marchandisation et de la financiarisation de l’action associative via les investissements à impact social. N’hésitez pas à signaler à marianne[arobase]associations-citoyennes vos infos et à enrichir cette lettre qui n’attend qu’à « changer d’échelle » !
#4 – mai 2022
Macron et les contrats à impact
La réélection d’Emmanuel Macron augure de beaux jours pour les contrats à impact. Dans son programme de 2017, il voulait « poursuivre le déploiement des contrats à impact social pour financer, grâce à des partenaires privés, des expérimentations de programmes sociaux de prévention innovant ». En 2022, dans le bilan de son quinquennat, à la rubrique économie sociale et solidaire, il les remet en exergue : « Les contrats à impact ont été pérennisés et modernisés en 2020. Aujourd’hui, ce sont plus de 16 contrats qui ont été signés pour un montant total de 50 millions d’euros et une vingtaine d’autres sont en cours de signatures, avec la forte volonté de les multiplier ». La France deviendrait, après l’Angleterre, le pays européen qui compte le plus de contrats à impact.
Pour l’instant, personne n’en évalue les conséquences tant pour les finances publiques, qui devront à terme rembourser toutes ces sommes investies, que sur le volet concrétisation des projets. Le temps de construction des montages financiers et juridiques reste extrêmement long et un seul contrat est à ce jour arrivé à terme, celui de Wimoov. Cette association du groupe SOS propose un test mobilité pour les personnes en situation de précarité qui ont des problèmes de transport. Pour son contrat à impact social, l’association Wimoov a reçu une subvention de 750 000 € (dont 80 % en provenance du ministère du travail, 18 % en provenance du ministère de la transition écologique et solidaire et 2 % en provenance du ministère de l’Economie et des Finances).
Dans le bilan que fait en février 2021 la Cour des comptes de ce CI, elle note que les indicateurs choisis « ne permettent pas d’apprécier l’impact social des actions mises en œuvre ». Et ajoute : « Il manque en effet des indicateurs de résultats ou des indicateurs d’impact pour mesurer l’amélioration de la mobilité ou l’employabilité des bénéficiaires mais également les économies pour le tiers-payeurs public ». Les indicateurs s’intéressent uniquement au nombre de personnes qui ont passé le test de mobilité sur la plateforme dédiée et ceux qui ont permis de déclencher un accompagnement. On voit bien que les indicateurs choisis, relativement simples, permettent d’assurer quoi qu’il arrive un remboursement des investissements. Les autres CI signés suite au premier appel à projet de 2016 sont toujours en phase d’évaluation.
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Le Social Business reste du business
Qu’est-ce que le social business ? Le terme apparaît dans les années 90 porté par Muhammad Yunus. Surnommé « le banquier des pauvres », cet économiste et entrepreneur bangladais a reçu le prix Nobel de la paix en 2006 pour avoir inventé le microcrédit avec sa banque, la Grameen Bank, fondée en 1976.
La définition du social business par Muhammad Yunus « s’applique à une entreprise ayant décidé de se doter d’un objectif social, fonctionnant par autofinancement et ne reversant pas de dividendes à ses actionnaires » (1). Dans le monde de Muhammad Yunus, plus besoin de subventions, plus besoin d’Etat, même plus besoin d’associations, la pauvreté sera vaincue par l’auto-entreprise et le microcrédit. « Le social business proposé par Muhammad Yunus, prix Nobel de la paix, se passe même de subventions, de dons et de bénévolat pour se positionner intégralement sur le marché », note le rapport du Haut comité à la vie associative de 2017 sur les associations et l’entrepreneuriat social.
Si tout le monde devient maître de sa propre entreprise, alors il n’y aura plus de pauvreté. Simple comme bonjour. Il développe cette approche dans deux livres aux titres évocateurs : « Vers un nouveau capitalisme » (2008) et « Pour une économie plus humaine » (2012) . Dans son premier livre, il écrit : « Un projet conduit dans un objectif social qui facturerait un prix ou des honoraires pour ses produits ou ses services mais ne serait pas capable de couvrir complètement ses coûts, ne saurait être qualifié de social business. Tant qu’elle doit compter sur les subventions ou sur les dons pour combler ses pertes, une telle organisation relève du secteur caritatif. Mais dès qu’un projet de cette nature parvient à couvrir ses coûts de façon pérenne, il accède à un autre monde : celui des entreprises. Ce n’est qu’alors qu’il deviendra un social business » (2).
Les pauvres, des entrepreneurs comme les autres
Deux sortes de développement du social business version Yunus existent, le premier propose donc de faire des pauvres des entrepreneurs via les microcrédits mais également en s’appuyant sur une approche économique intitulée « Bottom of the pyramide » (BoP), la base de la pyramide en français. Qu’est-ce que cette base : les pauvres. Les 4 milliards d’humains qui vivent avec moins de 2 dollars par jour ; le concept est parfois étendu à ceux qui sont juste au-dessus de deux dollars. Considérés comme un immense marché potentiel, ces pauvres deviennent désormais la cible de techniques commerciales. Ainsi, la première expérience du social business version Yunus nait en 2006 entre Danone et Grameen (…) : Cette Grameen Danone Foods Limited veut vendre à prix modique des yaourts hyperprotéinés aux enfants pauvres du Bangladesh. Les enfants des « BoP » puisque parfois, par souci de clarté, cette catégorie de la population est réduite au sigle, cynisme du langage.
Le deuxième se développerait, par exemple, dans le champ de la santé en commercialisant des polices d’assurance maladie qui permettraient aux pauvres d’accéder à des soins médicaux « abordables »… ou bien en proposant des recycler des ordures ménagères, ou bien en proposant des systèmes de production d’énergie ou d’eau… Vraiment cela rappelle bien quelque chose … des services publics, non ? Dans le monde de Muhammad Yunus, ces « business » doivent rester totalement hors du champ de l’Etat puisqu’il considère que les Etats sont incapables de les gérer ou bien trop pauvres pour le faire… Et il n’est pas question de revendication politique ou de mouvements sociaux pour transformer le modèle dominant, c’est bien là tout le sens du social business, prétendre vaincre la pauvreté sans rien toucher aux fondamentaux du système capitaliste. « L’idée que la pauvreté puisse être un marché rentable se répand », écrit Jean-Louis Laville (3) qui stipule que dans ce nouveau contexte, selon Muhammad Yunus dont il cite les écrits : « l’association est amenée à se convertir en entreprise sociale, alors abordée comme une entreprise « au sens plein du terme » parce que fonctionnant conformément aux principes de gestion qui ont cours dans une entreprise classique » et « capable de couvrir complètement ses coûts » ».
Une vie éternelle pour l’argent
Muhammad Yunus dénonce également l’approche philanthropique : « Dans la charité, l’argent part et ne reviens jamais. Si on peut le transformer dans une économie comme le Social business, il peut aller de l’avant, se recycler. Ainsi, l’argent dépensé dans le Social business a une vie plus longue. Car on récupère l’argent que l’on dépense, on génère ainsi un nouveau cycle, et ainsi de suite… Avec la charité, l’argent n’a qu’une vie, mais si on peut le convertir dans le Social business, il devient immortel », explique-t-il dans un documentaire intitulé Social Business qui raconte comment Véolia vend de l’eau dans un village du Bangladesh (4) où l’eau disponible est empoisonnée à l’arsenic. Là encore, dans l’approche de Muhammad Yunus, il ne sert à rien de militer pour des services publics qui assurent une eau non toxique, de faire valoir l’accès à ce bien essentiel, voire d’imaginer défendre l’eau comme un commun, mieux vaut développer un nouveau commerce à destination des plus pauvres.
Ce film a été présenté lors du premier événement après l’ouverture en 2017 du centre Yunus à Paris à la maison des Canaux. Lors du débat qui a suivi la projection, l’administrateur de Grameen Veolia Water, porteur du projet, Eric Lesueur assure : « Le social business n’est pas un long fleuve tranquille ». « Vendre des microcrédits, vendre des yaourt, vendre des chirurgies de la cataracte, vendre de l’eau, ce sont des métiers très différents », explique sans rire Eric Lesueur, un point de vue qui n’était pas partagé par Muhammad Yunus « qui avait la vision que tout produit ou tout service se vendait de la même manière ». Or, assure Eric Lesueur, « pour vendre de l’eau dans ces pays là, puisqu’on parle de business donc il s’agit de vendre de l’eau potable, les habitants ont des figurations de ce qu’est le droit à l’eau, ce qu’est une eau pure, de la manière dont elle est répartie entre les habitants, extrêmement différente de la représentation que nous en avons », assure-t-il. En clair, personne ne s’attendait à ce qu’on leur vende de l’eau qui pour eux était accessible gratuitement. Il a fallu penser « l’argumentaire de vente » en tenant compte de la manière dont « était vécue l’arrivée d’une eau potable sans arsenic produite par une entreprise étrangère ». Au fil des ans, il s’est avéré que ce « business » ne pouvait être rentable sans une prise en charge des infrastructures qui exigent des investissements importants, donc pour faire du profit, il faut que les infrastructures existent ou soient financées par la puissance publique. Au final, ce social business a pu survivre en développant des connexions d’eau directement chez des habitants avec un « certain niveau de vie » et qui affichent l’accès à l’eau directement chez eux comme signe de prospérité. Eric Lesueur défend ce nouveau business modèle en expliquant : « Pour atteindre l’objectif d’équité sociale et de santé publique, tous les moyens sont bons. S’il s’agit d’atteindre l’équilibre économique en vendant du confort, du standing plutôt qu’en vendant de la santé, finalement le résultat est toujours bon, on a réussi à faire boire et à vendre de l’eau sans arsenic a cette population » Business is business.
Paris, capitale du social business ?
Muhammad Yunus veut faire de Paris le « hub » du social business en Europe. « Soutien indéfectible » de la candidature de Paris pour les jeux olympiques, explique le président du centre parisien Yunus. « Il considère que les jeux peuvent être un formidable levier pour l’inclusion sociale, le développement des territoires ». Dans une tribune dans Le Monde, pendant la crise sanitaire, Muhammad Yunus propose de prendre ce modèle du Social Business pour refonder le « monde d’après » : « Dans ce grand plan de reconstruction, je propose de donner le rôle central à une nouvelle forme d’entrepreneuriat que j’ai appelée le « social business ». Une entreprise de ce type a pour seul objet de résoudre les problèmes des individus, sans but lucratif pour les investisseurs autre que celui de récupérer leur mise. Une fois l’investissement initial amorti, tous les bénéfices sont réinjectés dans l’entreprise », assure-t-il.
Plus loin, il ajoute : « Cela fait peu de temps que les cours d’économie abordent des sujets comme l’entrepreneuriat social, l’économie sociale et solidaire, l’impact investing (investissement à impact social) ou les organisations à but non lucratif. La reconnaissance dont bénéficient mondialement la Grameen Bank et le microcrédit n’y est pas pour rien » (5). Entrepreneuriat social, investissement à impact social, Social business se nourrissent mutuellement pour faire de l’économie sociale et solidaire « libérée » de ses revendications politiques. Jean Moreau, coprésident de Tech for Good France allait au bout de cette logique dans un entretien au Monde en septembre 2020 : « L’économie sociale et solidaire était jusqu’alors perçue comme très à gauche, militante. Nous, on a réussi à rendre ça bankable et sexy. Aujourd’hui, avoir une mission noble ajoute un supplément d’âme à votre business et attire les investisseurs. » (6) Pour Jean-Louis Laville ces approches défendent « un néolibéralisme amendé qui se présente après les manifestations altermondialistes et les printemps arabes. Il ne se contente plus de prôner la généralisation de la concurrence, il internalise des réponses à la question sociale pour désamorcer toute contestation globale » (7).
(1) « Le grand récit du social business », Antoine Perrin, dans Du social business à l’économie solidaire, critique de l’innovation sociale, Maïté Juan, Jean-Louis Laville, Joan Subirats, Eres, 2020.
(2) « Vers un nouveau capitalisme », Muhammad Yunus, Editions JC Lattès, 2008
(3) « L’économie sociale et solidaire. Pratiques, théories, débats », Jean-Louis Laville, Editions Point, 2016
(4) Muhammad Yunus, prix nobel de la paix en 2006, dans le documentaire Social Business qui raconte comment Velioa vend de l’eau dans un village du Bangladesh où l’eau est empoissonnée à l’arsenic. Diffusé le 15 février 2017 sur Public Senat.
(5) https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/05/05/muhammad-yunus-la-crise-du-coronavirus-nous-ouvre-des-horizons-illimites-pour-tout-reprendre-a-zero_6038665_3232.html
(6) https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2020/09/25/l-entreprise-va-t-elle-sauver-le-monde_6053628_4497916.html, Nicolas Santolaria, Le Monde, 25 septembre 2020.
(7) jean-Louis Laville, Ibid.
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Croix rouge à vendre
Six centres franciliens de la Croix-Rouge sont sur le point d’être rachetés par le groupe Ramsay Santé, anciennement Générale de santé, devenue filiale du géant australien Ramsay Health Care, nous informe le Monde du 26 avril. La direction de la Croix-Rouge justifie cette vente au secteur privé lucratif par un déficit depuis plusieurs années. Et assure que Ramsay gardera un « statut associatif » à ces centres. Il serait toutefois étonnant que ce géant boursier, dont la valeur du capital est estimé à 14 milliards de dollars, accepte de maintenir longtemps une activité déficitaire. Maintiendront-ils des tarifs de secteur 1 ?
Recevront-ils les patients relevant de la CMU, de l’AME ? Continueront-ils à accueillir 62 000 patients dont 30% en situation de précarité comme ces centres le faisaient ? Rien n’est moins sûr.
D’autant plus que, coup de théâtre, Ramsay est sur le point d’être avalé par « un des fonds d’investissement les plus sulfureux de la planète », le fonds d’investissement américain KKR, nous informe l’Humanité du 6 mai. Ce fonds traîne une réputation qui lui a donné le surnom de « barbarians », les « barbares » aux Etats-Unis… « Peu porté sur la question sociale, KKR n’a aucun scrupule à dépecer des entreprises entières, licenciant des salariés par dizaines », écrit l’Humanité qui rappelle que ce Fonds s’appuie sur la technique du LBO (leveraged buy-out ou rachat par endettement). Il s’agit de racheter une entreprise avec un emprunt auprès d’une banque, de faire une restructuration à la hache avant de la revendre quelques années après « dans le but de réaliser une coquette plus-value », note l’Humanité.
Dans une tribune au Monde du 9 février, François Crémieux, directeur général de l’assistance publique-hôpitaux de Marseille dénonce la reprise des centres Croix Rouge par Ramsay et alerte sur le passage de ces centres dans « un autre monde » : « celui du capital, des excédents de l’année, du marché de la santé et des perspectives de « business ». Après le bilan de l’année 2021, le patron de Ramsay a même dû rassurer ses investisseurs inquiets : il serait le garant de la totale indépendance de l’entreprise face aux tentations interventionnistes des gouvernements, notamment en Europe ». Et s’alarme : « On ne peut observer sans débattre que des centres de santé de la Croix-Rouge française quittent le secteur associatif pour être repris par un groupe de santé privé ».
Il ne signale pas que la Croix-Rouge s’engageait depuis plusieurs années vers le modèle de l’entrepreneuriat social. La vente de ces centres au privé participe pleinement de cette politique. En 2019, l’association avait notamment lancé 21, à Montrouge, en lien avec Nexem, le Medef du social, un lieu de coworking dédié aux entrepreneurs sociaux, sorte d’incubateur de start-up du social. Avec pour ligne de mire de dénicher les futures « licornes » de l’innovation sociale…
Cette logique risque demain de voir ces centres engloutis dans un fonds d’investissement surnommé « les barbares », tout un symbole pour la Croix Rouge. Et un bel exemple des effets de la marchandisation…
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Contrepoids
Un webinaire pour comprendre la comptabilité CARE
Le 3 mai dernier, la comptabilité CARE nous était racontée par la Coop des Communs dans un webinaire à retrouver en ligne. Son acronyme signifie compréhensive accouting in respect of ecology traduit en français par comptabilité adaptée au renouvellement de l’environnement. Cette comptabilité vise à changer de modèle comptable pour « compter ce qui compte vraiment ». La Coop des Communs part du constat que « la comptabilité n’est pas neutre ». « La comptabilité incorpore des représentations du monde, son objet est profondément politique, ses normes sociales et environnementales sont externalisées, elles n’entrent pas dans la comptabilité », avance Daniel Le Guillou. La comptabilité CARE cherche, à l’inverse, à les intégrer.
Elle s’inscrit dans l’idée que « les capitaux humains et naturels doivent être préservés au même titre que le capital financier ». Jacques Richard, auteur de la Révolution comptable, rappelle qu’historiquement le terme de capital signifie un moyen d’action, une signification très différente de celle portée par l’économie et la comptabilité actuelle qui perçoivent le capital comme une dette pour l’entreprise, une ressource à rembourser. CARE n’a pas d’objectif de rentabilité mais de solvabilité. Elle n’a rien à voir avec les systèmes s’appuyant sur la mesure d’impact qui visent à quantifier les effets de l’action d’une association. C’est même le contraire, selon la Coop des communs. La comptabilité CARE consiste à penser les actions nécessaires pour soutenir, quand il s’agit d’une entreprise, les trois capitaux, humain, naturel et financier en son sein. Et à revoir les normes comptables dans cet objectif. La Coop des communs et le CAC continueront d’informer sur cette comptabilité et d’accompagner les associations qui souhaiteraient faire les premiers pas vers sa mise en place.
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À lire, À voir
* Le dernier numéro de la revue Passerelles a pour titre Finance et communs : Pour une réappropriation collective de la finance. « De façon accélérée depuis les années 1970, le système financier s’est détourné de son objectif premier, le financement de l’économie, pour répondre à un objectif devenu prioritaire : générer des bénéfices financiers. Mais peut-on penser une finance au service d’un projet de société radicalement différent que celui que propose le néolibéralisme ? Et à quelles conditions ? », interroge ce numéro 23 d’avril 2022.
* Vient de sortir le livre de nos homologues belge, le Collectif 21 intitulé : Cent ans d’associatif en Belgique… Et demain ? Livre coordonné par Mathieu Bietlot, Manon Legrand et Pierre Smet. Pendant deux ans, le Collectif 21 a interrogé l’histoire et l’avenir du fait associatif en Belgique. « Les combats qui l’ont permis et ceux qu’il a portés, sa fonction sociale, émancipatrice et démocratique, sa culture propre, ses liens avec les pouvoirs publics, les logiques marchandes et managériales qui le dévoient, les relations de travail et les rapports aux publics, le militantisme et la professionnalisation ». Ce livre en tire une réflexion pour penser le monde de demain.
* Alain Manac’h a consacré sa carte blanche sur France bleu Isère à un monde associatif à la croisée des chemins inspiré du livre : quel monde associatif demain ?
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Le Klaxon !
#3 – 19 Avril 2022
La marchandisation vue de Belgique
La Belgique a perdu l’équivalent de notre loi 1901. Le monde associatif belge devait fêter en 2021 le centenaire de la loi qui régissait les associations depuis 1921. Les associations ont marqué un « non-anniversaire de la loi de 1921 puisqu’une nouvelle loi, sans aucune concertation, a décrété que désormais les associations entraient dans le code des sociétés faisant sauter la distinction entre sociétés commerciales et non-commerciales. « Les associations devront-elles désormais répondre aux normes du marché ? », interroge Geoffroy Carly, co-fondateur du Collectif 21 dans un film « 2121 hypothèses associatives » que nous présenterons lors de notre assemblée générale le 20 mai prochain. (more…)
Présentation de « CARE » méthode comptable intégrant l’humain et l’environnement [3 mai]
CARE, méthode comptable multi-capitaux, peut-elle contribuer à éclairer et guider votre projet ?
La Coop des communs organise, pour les acteurs des associations citoyennes et des tiers lieux, une présentation de la méthode CARE et des expérimentations engagées par certains de ses membres.
Inscrivez-vous à cette présentation, qui aura lieu sous la forme d’un webinaire
le mardi 3 mai 2022 de 14h à 16h
avec le lien suivant https://airtable.com/shrNR0wxKbgnxuAwy
Dans le cadre comptable actuellement en vigueur, la conservation du capital financier est une obligation. Il n’y a pas d’équivalent, dans les comptes de l’entreprise, pour préserver le capital humain et le capital naturel. Ces capitaux ne figurent pas au bilan et les nécessaires actions de préservation sont laissées à l’appréciation de chaque organisation. Elles ne sont pas toujours établies sur la base de normes élaborées de manière incontestable tant du point de vue technique que démocratique et, de toute façon, elles n’ont pas d’impact sur les comptes de l’entreprise (on renvoie à des « annexes » : RSE…..).
Or, la compréhension de l’entreprise passe par sa comptabilité : les actionnaires, les salariés, les partenaires ont une connaissance de l’entreprise à travers sa comptabilité. C’est un socle sur lequel d’autres outils de gestion vont venir se greffer. Elle est au fondement de toute décision de gestion et des analyses réalisées par les financeurs.
Alors qu’elle est généralement considérée comme une technique neutre, la comptabilité est porteuse d’une certaine vision du monde dans laquelle, actuellement, l’homme et la nature n’ont pas la place qui leur revient.
C’est donc le modèle comptable qu’il convient de revoir en prenant en compte les mesures de préservation des capitaux humains et naturels. C’est l’objectif poursuivi par le modèle comptable CARE que de procéder à une extension du champ d’application de la comptabilité générale : les capitaux humains et naturels sont inscrits dans les comptes de l’entreprise au même titre que les capitaux financiers, comme des dettes à rembourser.
Le groupe Compta CARE de La Coop des Communs a été créé en 2018. Il mène deux types d’actions :
- sensibilisation : sensibiliser les organisations de l’ESS à la méthode CARE dans le cadre d’une approche par les communs,
- expérimentation : développer et accompagner des expérimentations et des recherches-actions portant sur la mise en œuvre de la méthode dans l’ESS et les communs, capitaliser sur ces expérimentations pour approfondir la méthodologie.
La Coop des communs est partenaire du Cercle des comptables environnementaux et sociaux (CERCES).
La Clef : conf « vendez-nous la clef » [28/03] + retour sur le débat [4/03]
La Clef, des nouveaux possibles… retours de la conf du 28/03/22
Le 1er mars dernier, le collectif la Clef qui occupait le cinéma associatif depuis deux ans était expulsé ; le même jour son potentiel acheteur, le Groupe SOS, échaudé par la mauvaise presse suite à la lutte contre ce rachat, se retirait de la vente. Les possibles s’ouvrent de nouveau. Le 28 mars, face à une salle de la Bourse du travail à Paris remplie, le collectif présente son projet de reprise du cinéma. Il s’appuiera sur la création d’un fond de dotation qui recueille depuis plusieurs mois des dons : le fonds La clef Revival. Il permettra de sortir le cinéma du marché spéculatif immobilier. Le collectif vise à faire du lieu un commun, l’association La Clef recevra la propriété d’usage et pourra poursuivre son projet. Ce dernier propose une gestion horizontale, une programmation collective de films souvent rares, fragiles, des prix libres, un soutien à la création de jeunes réalisateurs via le Studio 34, des actions culturelles vers le jeune public en lien avec les écoles et les centres d’animation culturels du quartier. Le CLIP, un réseau de lieux en propriété d’usage, va entrer dans le CA de ce fond, tout comme Céline Sciamma ou encore Jean-Marc Zekri, directeur du Reflet Médicis. Le 28 mars, le collectif annonçait avoir reçu, pour la première fois depuis deux ans, une proposition de rencontre avec la secrétaire du CSE de la Caisse d’Épargne, propriétaire des lieux pour discuter de leur projet. Il a également le soutien financier de la Mairie et la Région IDF annonce réfléchir également à un soutien.
VENDEZ-NOUS LA CLEF – Conférence publique
Lundi 28 mars à 19h – Bourse du travail – 29 Boulevard du Temple, 75003 Paris
Poitiers : 8ème rencontres nationales du travail social en lutte
Poitiers : 8ème rencontres nationales du travail social en lutte
Le 11 mars dernier, le Collectif des associations citoyennes était présent aux 8ème rencontres nationales du travail social en lutte qui avait lieu à Poitiers. Environ 80 personnes étaient présentes venues de 25 départements, une bonne dizaine de collectifs et les syndicats Sud, CGT, FSU étaient représentés.
Ils sont revenus sur la mobilisation historique du 7 décembre dernier. Plus de 50 000 personnes ont manifesté partout en France pour dénoncer la dégradation des conditions de travail et d’accueil, du jamais vu pour ce secteur. Cette forte mobilisation est le résultat d’un travail de fourmi mené par ces rencontres pour fédérer les collectifs parfois minuscules, apparus partout dans le travail social ces dix dernières années.
Chacun de ces collectifs surgit souvent à partir d’un point de bascule. Par exemple, le collectif « le social brule » à Marseille se créé en 2018 à l’annonce de la baisse radicale de subvention pour deux accueils de jour. Dans le Nord, le collectif « le social déchainé » se créé en 2017 après une assemblée générale organisée par une intersyndicale où les travailleurs sociaux découvrent que ce qu’ils pensaient vivre chacun de leur côté dans une urgence permanente est une réalité partagée par beaucoup, le collectif se construit alors pour penser ce qui arrive au secteur du social dans la durée.
La plupart des collectifs s’inscrivent dans cette optique, rassembler au delà des étiquettes syndicales, les professionnels syndiqués ou non, pour partager les réalités, les décrypter et organiser les luttes contre notamment les mises en concurrence entre associations face aux appels d’offre qui poussent à faire toujours plus avec toujours moins, l’absence d’espace de pensées (ces espaces collectifs répondent aussi à ce manque), les pratiques délétères voire la montée des maltraitances parce que les professionnels sont noyés dans les urgences ou dans des lieux d’accueil débordés ( hébergement d’urgence, foyers de protection de l’enfance…).
Ces collectifs peuvent également être le lieu d’une repolitisation à partir du terrain alors que les professionnels du social ont parfois intégré l’arrivée depuis de nombreuses années dans le secteur social de pratiques de managment issu du monde de l’entreprise, des pratiques de contrôle social.
Face à la naissance de tous ces collectifs, une première rencontre nationale du travail social en lutte a lieu en 2018 en Seine Saint Denis de façon assez confidentielle… puis avec des hauts et des bas ces rencontres ont essaimé, créé des liens entre collectifs, des ponts entre syndiqués et non syndiqués, public, privé, associatif ou non, autour du travail social avec souvent les mêmes constats sur les pratiques empêchées. Ce travail de fourmi a donc permis donc cette mobilisation historique.
Cette mobilisation a sorti un petit moment ce secteur de l’invisibilité dans laquelle il est souvent plongé. Il a également poussé le gouvernement à réagir, la sortie récente le 10 mars (et en urgence) du livre vert du travail social après une mission confiée par Olivier Veran en janvier dernier montre une tentative de calmer la colère. Pas sûr que cela marche parce que ce livre vert propose une refonte complète du cadre professionnel, des formations (qui viennent déjà d’en subir plusieurs) voir ici la lecture qui en est faite par le collectif Avenir educ qui propose en réaction un livre rouge des colères face à l’absence de concertation et d’écoute des réels besoins du secteur.
Au final, ces rencontres ont abouti à la formalisation d’un nouveau texte d’appel (voir ici) pour une grève nationale les 31 mai et 1er juin prochain.
Dégradation de la justice des enfants et de la protection de l’enfance – la tribune
« La société ne peut être le témoin impuissant de la dégradation de la justice des enfants et de la protection de l’enfance »
A l’approche de l’élection présidentielle, les 250 signataires de cette tribune (dont le CAC) appellent les candidates et candidats à réformer la protection de l’enfance et la justice pénale des mineurs, face à une situation « alarmante ». Les professionnels de la justice, de l’éducation, de la santé, élus, militants associatifs et représentants syndicaux, signataires appellent à un sursaut et dénoncent un « manque criant de moyens« investis dans ce secteur, une évolution législative qui a donné « la primauté au répressif sur l’éducatif » et transféré des responsabilités aux départements qu’ils n’ont pas la possibilité financière d’assumer. Selon eux, les enfants et les adolescents sont ainsi exposés à une prise en charge inégale selon les territoires.
Les auteurs du texte demandent aux prétendants à l’Elysée de se positionner sur ces sujets « sur lesquels les citoyens auront à se prononcer au travers de l’élection du président de la République ».